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Les thématiques de l’ORTEJ

  • Conciliation des temps de vie

    Comment concilier les temps de vie des enfants, des familles, des professionnels de l’éducation en visant le bien-être de tous et le développement optimal des enfants ?

    Éducation et développement de l’enfant

    Quels sont les dispositifs éducatifs et les initiatives les plus adaptées à la prise en compte des rythmes biologiques et psychologiques dans le développement de l’enfant ?

    Chronobiologie et chronopsychologie

    Comment les rythmes biologiques, psychologiques et sociaux influent sur l’action éducative ?
    Quelles sont les concepts, théories et travaux scientifiques sur les rythmes touchant d’autres enjeux ou populations et pouvant éclairer cette problématique ?

Les rythmes scolaires : Des erreurs et réussites politiques avérées… aux erreurs politiques annoncées.

Par Georges FOTINOS

Depuis 2008, date de retour sur la scène nationale du serpent de mer spécifiquement français que sont les rythmes scolaires, les politiques ministérielles sur ce sujet n’ont cessé de changer.
A la décision unilatérale de Xavier Darcos de généraliser la semaine de 4 jours (tout en ouvrant la possibilité de la cinquième matinée) a succédé la volonté de Luc Chatel de recentrer l’organisation du temps scolaire sur le bien-être et la réussite des élèves en prenant en compte les trois temps scolaires (journée, semaine, année).
Ces objectifs ont été poursuivis par Vincent Peillon en charge de la mise en œuvre de la trente huitième proposition du programme d’action présidentielle de François Hollande puis repris pour cause de « blocage » par Benoit Hamon chargé d’introduire « des éléments de souplesse » dans l’application de cette réforme. Dossier finalement ancré et affermi par Najat Vallaud Belkacem avec la signature de plus de 93 % de projets éducatifs territoriaux qui concernent 96 % des élèves des écoles primaires.
Toutefois face aux annonces faites sur ce sujet par le nouveau ministre de l’éducation nationale, il nous a semblé utile de porter à sa connaissance quelques informations.
En effet nos responsabilités professionnelles et associatives nous ont portés à promouvoir, si ce n’est dans certains cas initier, tant au niveau de la recherche qu’à celui des politiques ministérielles, le concept d’aménagement du temps scolaire (ATS) et à sa mise en oeuvre sur le territoire.
C’est cette connaissance particulière, enrichie d’une documentation rare (l’ensemble des rapports scientifiques ou institutionnels publiés entre 1974 et 2017) sur laquelle repose notre désignation comme experts aux différentes réflexions ministérielles sur ce sujet, qui soutient et justifie notre démarche.
En avril 2010 le ministre Luc Chatel lançait une importante consultation nationale, inédite, sur les rythmes scolaires à destination de tous les acteurs, usagers et partenaires de l’école. En juillet 2011, le comité de pilotage de cette conférence nationale prenant en compte l’ensemble des informations recueillies - notamment l’avis de tous les syndicats représentatifs de l’éducation nationale (auditionnés) - remettait son rapport au ministre. Ce rapport mettait fin à l’exception mondiale française de la semaine de quatre jours dénoncée plus particulièrement par l’académie des sciences mais aussi par les principaux syndicats d’enseignants, les fédérations de parents d’élèves et les mouvements complémentaires de l’école publique. Il prenait en compte la nécessité de l’alternance régulière des temps de travail et de repos scolaire sur ces trois périodes (la journée, la semaine, l’année) : journée scolaire se terminant à 15 heures, avec une pause méridienne d’au minimum 1 heure 30, activités d’accompagnement éducatif de 15 heures à 17 heures (responsabilité partagée EN / collectivités locales), 9 demi-journées (ou 10), limitation du temps d’enseignement à 23 heures, année scolaire de 38 semaines séquencée en 5 périodes d’une durée comparable. Toute cette organisation concernait aussi les 6èmes et 5èmes de collège. A noter une division de la France en 3 zones pour toutes les vacances sauf celles de Noël.
Signalons également que, bien que cette politique soit soutenue par la majorité politique de l’époque à l’Assemblée Nationale et au Sénat, le sujet des rythmes scolaires fut absent de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy et présent dans celle du candidat François Hollande.
Pour résumer, en septembre 2012 après une concertation nationale sur cette question, les principaux acteurs, usagers, partenaires de l’école (y compris les responsables des collectivités locales et territoriales) s’étaient déclarés favorables à la suppression de la semaine de 4 jours et à une meilleure organisation de la journée et de la semaine des enfants.

Avec le recul et afin d’éclairer les décisions à venir, nous pouvons aujourd’hui mieux comprendre les difficultés si ce n’est les blocages qui ont marqué le début de cette réforme.
Consultés à l’époque, comme d’autres, sur la future mise en œuvre de ce changement nous avions alerté les responsables sur plusieurs points délicats : l’aide financière aux collectivités locales, l’allègement de la journée scolaire insuffisant, l’absence de la nécessité d’articuler les temps scolaire et périscolaire dans un projet d’école commun, l’obligation d’une évaluation « qualité » triennale. Enfin que, dans un premier temps, cette réforme ne s’applique pas aux maternelles.
Ces remarques qui malheureusement, pour certaines, se sont révélées exactes trouvent leur raison d’être et leurs sources dans le très vaste corpus des résultats d’évaluation des changements d’organisation du temps scolaires (18 rapports entre 1990 et 2012).
A ces carences auxquelles le gouvernement a remédié très progressivement sous la pression première des acteurs de terrain - grève générale des enseignants et directeurs des écoles de Paris ou au refus de certaines communes de participer à la réforme - il faut ajouter un climat général négatif entretenu par certains médias à l’affût du moindre dysfonctionnement et par la volte-face d’une partie de la classe politique appelant désormais les communes à refuser ce changement.
Quatre ans plus tard, la situation a bien évolué dans le sens et les objectifs de la réforme. Elle repose désormais - quoique qu’en disent certains détracteurs patentés - sur 2 piliers fermes et 1 pilier en voie de formation.
- Les collectivités locales : la presque totalité des communes française a signé un projet éducatif territorial mis en œuvre par plus de 250 000 animateurs. A noter toutefois que cette appréciation « quantitative » recèle des différences extrêmes qui vont d’un projet de type éducation concertée au service des enfants et gratuit pour les familles à des projets de type garderie où les activités périscolaires sont payantes et de surcroit subventionnées par l’état. Au titre des bonnes pratiques, parmi les milliers de réalisations, et parce que nous en connaissant parfaitement bien le fonctionnement, il faut citer : Arras, Paris, Niort, Issy les Moulineaux, Libourne…
- Les parents d’élèves (voir enquêtes : UNAF, CNAF, jeunesse et sports, FCPE, Arras) soutiennent majoritairement ce changement au regard des bénéfices retirés par leurs enfants tant sur le plan du comportement et de l’estime de soi que sur le développement de leurs compétences artistiques et sportives. Il convient de noter également une retombée inattendue mais loin d’être négligeable : une amélioration de leur carrière professionnelle pour un certain nombre de mères de famille cadres.
- Reste toutefois une interrogation en suspens : l’adhésion pleine et entière des enseignants à ce changement. Le recoupement d’informations d’origines diverses (Education Nationale, collectivités locales, associations éducatives, syndicats) associé aux récentes évaluations réalisées par l’ORTEJ (Arras, Guadeloupe) et aux résultats de la mission de la sénatrice Françoise Cartron, centrée sur les écoles rurales montrent qu’un nombre encore trop important d’enseignants reste actuellement réticents à s’engager plus avant dans le processus de changement.

Afin d’améliorer cette situation, deux actions nous semblent utiles.
- D’une part, la preuve par l’exemple : développer et faire connaître les réussites - notamment la force d’impact de l’ATS sur l’organisation des écoles, sur les élèves, sur les adultes éducateurs - plus particulièrement accentuées dans les établissements REP et REP+.
- D’autre part réintroduire l’école, avec toutes ses responsabilités et la richesse de ses pratiques pédagogiques, dans le processus d’élaboration des projets d’aménagement des temps de l’enfant à l’école.

Pour conclure, tous les usagers et acteurs de l’école primaire, y compris les inspecteurs, s’accordent pour considérer que ce sujet, ô combien délicat, nécessite pour atteindre ses objectifs d’être inscrit dans le temps long de l’apprentissage et du développement personnel. Les récentes annonces sur ce sujet ne vont pas dans ce sens. L’annonce d’un retour à la semaine de quatre jours « secs » sans condition de complémentarité éducative quotidienne apparaît - à la lumière des évaluations antérieures - très préjudiciable aux populations d’enfants en difficulté scolaire ou en « situation sociale et /ou psychologique fragilisée ».
Autre inconvénient majeur, cette situation concentre sur 4 jours de 6 heures toutes les disciplines inscrites au programme. L’expérience montre que dans cette configuration, les enseignements sportifs, artistiques ainsi que ceux d’histoire, de géographie et des sciences étaient souvent réduits à leur plus simple expression. De plus, il est évident que ce dispositif aura des conséquences sur la qualité des conditions de travail et sur la fatigue des personnels et des élèves.
De même, cette mesure ferme la possibilité offerte à tous les enfants, quelle que soit leur catégorie sociale, de découvrir et de pratiquer, selon leur choix, des activités sportives et culturelles mais aussi de s’ouvrir à la culture générale (connaissance du monde, des sciences et des civilisations).
En revanche, les annonces qui réintroduisent la responsabilité de l’école dans le processus d’élaboration du projet commun avec la collectivité locale paraissent aller dans le bon sens et devenir un élément facilitateur pour un engagement collectif des adultes à l’éducation et au bien-être des enfants.
En l’état actuel, il semble qu’il règne dans les communes et les écoles une grande confusion. L’Association des Grandes Villes, l’Association des Maires de France comme l’Association des Maires Ruraux et l’Association des Directeurs de l’Education des Villes viennent de manifester leur mécontentement alors que d’autres agglomérations comme Marseille et Nice ont déjà indiqué leur choix de la semaine de 4 jours. Toutefois il faut bien noter qu’au regard du dispositif proposé, l’accord des conseils d’école serait désormais obligatoire et ouvrirait ainsi la capacité de faire prévaloir si nécessaire l’intérêt prioritaire de l’enfant.
In fine et au regard des erreurs politiques passées qui sont sur le point de se reproduire, ne serait-il pas plus sage de suivre l’exemple que nous donne le premier ministre avec le projet éducatif havrais qui « renforce l’engagement de tous les partenaires dans la construction d’un parcours éducatif concerté. Projet qui illustre un nouveau regard sur l’enfant et bénéficie d’une constante mobilisation à son service ».

Twitter @ObsORTEJ

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