L’ORTEJ (Observatoire des Rythmes et des Temps de l’Enfant et du Jeune) a été fondé en 2014. Il regroupe des chercheurs en chronopsychologie et différents experts et partenaires du système éducatif.
Il a pour ambition de développer les échanges, les analyses, les évaluations des différents protocoles et les recherches scientifiques concernant les besoins éducatifs et le bien-être des enfants et des jeunes. Animé des valeurs de laïcité, d’indépendance, et de rigueur scientifique, l’ORTEJ veut alimenter la réflexion et l’action de tous les acteurs impliqués dans le fonctionnement harmonieux du système éducatif.
Introduction
Notre système éducatif a connu de considérables mutations concernant les rythmes scolaires. En quelques décennies, le temps scolaire hebdomadaire s’est réduit de 30 à 24 heures, et en quelques années de 4 ½ jours à 4 jours de classe. Avec un compte annuel des heures de classe dans la moyenne des pays de l’OCDE, nos jeunes subissent, pour une majorité d’entre eux, des journées de 6 h d’enseignement auxquelles viennent trop souvent s’ajouter la charge de leçons et/ou devoirs dès le retour à la maison.
Quelles recommandations suggéreriez-vous pour mieux prendre en compte les rythmes des enfants et des jeunes dans le cadre de l’enseignement scolaire ?
Les rythmes de vie des enfants, et plus particulièrement les rythmes scolaires constituent un thème de débat récurrent entre les enseignants, les responsables associatifs, les parents, les chercheurs en médecine et en psychologie et les décideurs institutionnels. Leurs approches ont souvent été plus subjectives que scientifiques. Cela est d’autant plus regrettable : dans une société en pleine évolution comme la nôtre, de nouveaux aménagements des temps scolaires, mais également périscolaires et extra-scolaires s’imposeraient.
En matière d’aménagement du temps scolaire il n’existe pas de solution idéale, il s’agit seulement de trouver le moins mauvais des compromis entre le respect d’un développement harmonieux des élèves, le respect de leurs rythmes de vie et la réponse aux besoins des adultes, tout en sachant que l’élève constitue un tout, qu’il ne s’arrête pas de vivre une fois franchi le seuil de l’école.
Il s’agit donc de proposer des emplois du temps journalier, hebdomadaire, annuel, adaptés, pour favoriser le développement harmonieux de l’activité intellectuelle et physique des élèves, notamment de ceux qui ne maîtrisent pas encore la tâche à exécuter, pour favoriser la réussite. Car, rappelons-le, ce sont principalement les élèves confrontés aux difficultés scolaires, ne maîtrisant pas la tâche, qui présentent les fluctuations les plus marquées. L’aménagement du temps constitue donc, l’un des moyens de lutte contre l’échec scolaire.
Fluctuations quotidiennes :
Le choix du moment de la journée est non seulement important pour l’apprentissage d’une tâche, mais également pour l’entretien et le réinvestissement de ce qui a été appris.
Au cours de la journée, la fluctuation généralement observée est la suivante : après un « creux » de la première heure de classe (entre 8 heures et 9 heures), le niveau d’attention s’élève jusqu’en fin de matinée où se situe un pic entre 11 heures et 12 heures. Il s’abaisse après le déjeuner puis s’élève à nouveau plus ou moins, selon l’âge.
La reprise de l’activité intellectuelle l’après-midi est proportionnelle à l’âge. Elle reste faible au cours préparatoire et s’élève chez les plus âgés. D’autres variables comme le niveau scolaire influent sur les rythmes journaliers de performances intellectuelles. Ce n’est pas le cas pour les variables « origine géographique » et « sexe » (excepté une différenciation en lien avec la puberté au CM2 et au collège).
Enfin, nous avons pu constater que la rythmicité journalière des performances mentales n’est présente que lorsque l’exercice n’est pas maîtrisé. Inversement, lorsque l’élève maîtrise l’exercice, c’est-à-dire lorsqu’il exécute la tâche automatiquement et quel que soit le moment de la journée, sa réussite est constante.
Nous proposons donc de :
Respecter la rythmicité journalière biologique et psychologique de l’enfant que les chercheurs ont démontrée.
Réserver les temps reconnus comme favorables à l’activité intellectuelle pour les apprentissages et les activités demandant le plus d’attention et d’effort cognitif.
Occuper les temps reconnus comme moins favorables par des activités d’entretien, d’éveil, par des contenus plus ludiques, plus socialisants.
Fluctuations hebdomadaires
La semaine dite de 4 jours désynchronise la rythmicité journalière et génère un affaiblissement de la vigilance. Nous avons ainsi comparé les effets de trois types de semaine scolaire sur deux niveaux d’âge (6-7 ans et 10-11 ans) : une semaine de 4 jours et demi, deux aménagements de 4 jours, l’un sans accompagnement péri et extrascolaire l’autre avec accompagnement.
L’aménagement en quatre jours semble le moins adapté, ceci au regard des performances attentionnelles des enfants. En début d’école élémentaire, le niveau d’attention est plus bas, comparativement aux deux autres aménagements, ceci tout en suivant un profil journalier « classique ». Pour les enfants les plus âgés, le niveau des performances est également plus faible. Les variations journalières sont inexistantes dès la fin de matinée et les variations hebdomadaires chutent le vendredi.
Le lundi est un jour de faibles résultats. Notons que ce phénomène dure plus longtemps (jusqu’au mardi midi) lorsque le samedi est libéré, notamment chez des enfants qui sont livrés à eux-mêmes
Au CP, les élèves travaillant 4 jours par semaine sont moins vigilants, ils dorment moins que les élèves présents 4 jours et demi par semaine.
Au CM2, les semaines de 4 jours, avec aménagement, permettent de limiter les effets négatifs observés pour les C.P., et de maintenir les niveaux de performance et les durées de sommeil.
Il faut également savoir que si le volume horaire d’enseignement hebdomadaire demeure le même, la répartition de l’enseignement sur 4 jours, ne fait qu’accentuer et allonger les effets déstabilisants du week-end.
Enfin, toujours à propos de la semaine de 4 jours, accorder une demi-journée supplémentaire de congé n’est pas profitable à tous les enfants. Elle peut au contraire accentuer les différences. Certains profitent pleinement de la libération du temps parce que le milieu culturel environnant le permet. Alors que d’autres, faute d’encadrement familial, faute d’une politique socioculturelle accessible à tous, subissent le temps libéré. Il est clair, que sans accompagnement péri et extrascolaire, la libération du temps n’est pas synonyme d’épanouissement. Il suffit, pour s’en convaincre de considérer les taux d’écoute télévisuelle et l’usage des écrans.
Quelles en seraient les conséquences en matière de calendrier scolaire ?
L’alternance 7 semaines de travail / 2 semaines de vacances constitue une bonne réponse en termes d’équilibre. Elle semble convenir aux élèves et recueille l’approbation très large des familles dans leur diversité, ainsi que des enseignants. Elle est toutefois difficile à respecter sur l’année scolaire entière.
Nous proposons néanmoins :
Un 1er trimestre démarrant début septembre avec une coupure de 2 semaines autour de la période de la Toussaint ;
3 semaines de vacances de Noël : les fêtes de fin d’année ne reposent pas réellement les enfants. Une semaine supplémentaire début janvier les reposerait davantage.
Un 2ème trimestre coupé par 2 semaines de vacances fin-février / début-mars ;
2 semaines de vacances de printemps intégrant les jours fériés de mai ;
Un 3ème trimestre se terminant à la mi-juillet ;
Des vacances d’été de la mi-juillet au début septembre.
Afin de prévenir les phénomènes de décrochage en fin d’année scolaire, il convient de repenser la programmation des divers évaluations et examens pour les placer durant la première quinzaine de juillet.
Les vacances d’été génèrent « une jachère intellectuelle » chez les élèves avec une démobilisation induisant un effacement progressif des savoir-être. Le métier d’élève doit être appris à nouveau lors de chaque rentrée scolaire. L’ORTEJ considère que les acquis notionnels et comportementaux doivent être entretenus. A ce titre, nous proposons que soient développés, sous l’autorité de l’Etat, les complémentarités permettant de garantir le maintien des acquis notionnels auprès de tous les apprenants.
Y a-t-il des points de convergences entre les différents chercheurs en chronobiologie qu’il vous semblerait utile de porter à la connaissance de la commission ?
La rythmicité quotidienne a fait l’objet de nombreuses recherches tant en France qu’à l’étranger. Ces recherches montrent qu’Il existerait, indépendamment de l’origine des enfants et des modes de vie scolaire, deux moments reconnus comme « difficiles » : les débuts de matinée et d’après-midi. Cette même rythmicité a été mise en évidence en France, mais également en Grande Bretagne, en Allemagne, en Espagne, en Colombie, en Israël, aux Etats-Unis. Elle témoigne d’une relative synchronisation des variations diurnes de l’activité intellectuelle avec leurs emplois du temps journaliers et hebdomadaires. Il faut aussi mentionner que cette rythmicité journalière évolue avec l’âge. Ainsi, l’étude comparative des résultats de recherches entreprises à l’école Maternelle, à l’école élémentaire, aux collèges et lycées permet de constater qu’au cours de la journée, plus l’élève est jeune (6 ans), plus longs et plus marqués sont les moments de moindres attention et résistance physique, et moins nette est la reprise d’activité intellectuelle l’après-midi.
Le passage de 3 à 2 zones pour les vacances scolaires vous semble-t-il pertinent ? En vous appuyant sur votre domaine d’expertise, quels en seraient les avantages et les éventuels inconvénients ?
L’alternance 7 semaines de travail / 2 semaines de vacances constitue une bonne réponse en termes d’équilibre. La présence de 3 zones interdit cette alternance puisqu’on oscille de 5 à 8 semaines de travail. Passer à 2 zones réduit cet écart significativement.
Pour les vacances d’hiver, on peut envisager 2 zones sans chevauchement, ce qui ne modifie pas la durée totale initialement de 4 semaines.
Pour les vacances de printemps intégrant les jours fériés de mai, nous proposons 2 semaines avec chevauchement d’une semaine.
Nous n’envisageons pas la mise en place de zones pour les vacances de la Toussaint, de Noël et d’été.
Comment suggérez-vous de prendre en compte les évolutions liées au dérèglement climatique pour proposer aux élèves de meilleures conditions de scolarité ?
Une journée scolaire qui tiendrait compte de nos travaux sur les rythmes, à savoir une période de détente en début d’après-midi, quand il fait le plus chaud, un découpage de l’année scolaire qui augmente les vacances d’hiver et réduit les vacances d’été constituent une première réponse à l’évolution du dérèglement climatique.
Pour le reste, tout en impliquant les élèves dans la conception des aménagements matériels, il s’agirait de soutenir les collectivités territoriales compétentes dans la modification des locaux et des cours de récréation : végétalisation – perméabilisation des sols – isolation thermique des locaux, etc.
On peut également envisager un décalage des horaires entre les régions les plus exposées à la canicule et les autres comme cela est pratiqué en Outre-Mer.
Conclusion :
La politique du réaménagement du temps scolaire ne peut être conçue sans remodelage de l’espace et des lieux de vie. Elle nous impose aussi une réflexion de fond sur l’école et son devenir, sur ses objectifs et sur le rôle des différents partenaires concernés par l’Education.
Depuis de nombreuses années, les collectivités locales ont mis en place, dans les temps périscolaires ou extrascolaires, les activités éducatives, culturelles et sportives dont les enfants ont besoin. Toutefois ces activités, potentiellement riches et variées sont souvent, conduites sans lien avec l’école. Si la construction des apprentissages scolaires relève de la compétence des enseignants, la journée de l’enfant ne se limite pas au strict temps scolaire. Il est nécessaire que les acteurs locaux que sont les parents, les collectivités territoriales et les structures associatives participent activement à cette ambition de co-éducation. Dans cette perspective, la cohérence et la concordance des différents temps éducatifs doivent rester le coeur de toutes les initiatives dédiées aux enfants et aux jeunes.
Parce que nous pratiquons un recensement des données de chronobiologie, de chronopsychologie, de psychologie, de sociologie relatives aux rythmes et temps de vie des jeunes, tant en France qu’à l’étranger ;
parce que nous conduisons des recherches et évaluations sur les rythmes et temps de vie des jeunes et sur les aménagements des temps scolaire, périscolaire et extrascolaire ;
parce que nous analysons les demandes des différents partenaires concernés par la mise en place de nouveaux aménagements des temps de vie ;
parce que nous favorisons la concertation entre ces différents partenaires permettant de dégager des recommandations, à l’ORTEJ, nous contribuons et entendons encore contribuer à une réelle prise en compte de l’intérêt et du bien-être des jeunes quels qu’ils soient.
BIBLIOGRAPHIE
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